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LE REFUGE

Citations, photos, vidéos, animaux, famille, amitié..

ETERNITE extrait de l'Elégance du Hérisson

Extrait de L'élégance du Hérisson de Muriel Barbery, mon actuel livre de chevet, le compagnon de mes insomnies, un livre à lire tranquillement, doucement, pour savourer les mots et les mi-mots.

 

Elle s'appelle Paloma, elle a douze ans,,, elle explique qu'elle regarde un film d'Ozu, « Les Soeurs Munakata »,,,

 

ETERNITE

 

« J'enclenche la cassette, je sirote du thé au jasmin. De temps en temps, je reviens en arrière, grâce à ce rosaire laïc qu'on appelle télécommande.

Et voici une scène extraordinaire.

Le père, joué par Chishu Ryu, acteur fétiche d'Ozu, fil d'Ariane de son oeuvre, homme merveilleux, rayonnant de chaleur et d'humilité, le père, donc, qui va bientôt mourir, devise avec sa fille Setsuko de la promenade qu'ils viennent de faire dans Kyoto. Ils boivent du saké.

 

Le père :

Et ce temple de la mousse ! La lumière rehaussait encore la mousse.

 

Setsuko :

Et aussi ce camélia posé dessus.

 

Le père :

Oh, tu l'avais remarqué ? Que c'était beau (pause). Dans l'ancien Japon, il y a de belles choses (pause). Cette façon de décréter tout cela mauvais me semble outrancière.

 

Puis le film avance et, tout à la fin, il y a cette dernière scène, dans un parc, lorsque Setsuko, l'aînée, converse avec Mariko, sa fantasque cadette.

 

Setsuko, le visage radieux,

Dis-moi, Mariko, pourquoi les monts de Kyoto sont-ils violets ?

 

Mariko, espiègle.

C'est vrai, on dirait du flan d'azuki.

 

Setsuko, souriante.

C'est une bien jolie couleur.

 

Dans le film, il est question d'amour déçu, de mariages arrangés, de filiation, de fratri, de la mort du père, de l'ancien et du nouveau Japon et aussi de l'alcool et de la violence des hommes.

Mais il est surtout question de quelque chose qui nous échappe, à nous autres Occidentaux, et que seule la culture japonaire éclaire. Pourquoi ces deux scènes brèves et sans explication, que rien dans l'intrigue ne motive, suscitent-elles une si puissante émotion et tiennent-elles tout le film dans leurs parenthèses ineffables ?

Et voilà la clé du film.

 

Setsuko.

La vraie nouveauté, c'est ce qui ne vieillit pas, malgré le temps.

 

Le camélia sur la mousse du temple, le violet des monts de Kyoto, une tasse de porcelaine bleue, cette éclosion de la beauté pure au coeur des passions éphémères, n'est-ce pas ce à quoi nous aspirons tous ? Et ce que nous autres, Civilisations de l'Ouest, ne savons pas atteindre ?

La contemplation de l'éternité dans le mouvement même de la vie.

 

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